Demandé par la ministre de la santé, un rapport de Jean-Pierre Vinel, président de la Conférence des doyens des facultés de médecine, révèle que lorsque les examens vaginaux et rectaux sont réalisés chez des personnes sous anesthésie générale, le consentement préalable du patient n’est recueilli que dans 67% des cas pour les étudiants du diplôme de formation générale en sciences médicales. En formation spécialisée, le chiffre n’atteint que 80 % des cas. C’est très grave.
Cette pratique, manifestement bien connue dans les établissements publics et privés, et justifiée en mettant en avant les nécessités de l’enseignement, avait été révélée en début d’année par la fuite d’une note interne donnant des instructions en ce sens. Les allégations avaient été aussitôt démenties, mais le déni n’a pas tenu, et une pétition bien documentée, signée notamment par des médecins, avait dénoncé ces dérives, et demandé une réaction des pouvoirs publics.
Cette pratique, qui heurte le sens moral, caractérise aussi des violations de la loi, y compris de la loi pénale,… ce qui manifestement est ignoré dans trop de blocs opératoires. La présence d'étudiants dans les établissements de santé, et la nécessité d'apprendre les gestes avant d'être médecin, sont des données évidentes et universelles. Mais il est tout aussi évident qu'avant de pratiquer le moindre acte auprès d'un patient, et surtout pour un acte intime, un professionnel de santé doit se faire connaître et recueillir le consentement du patient. Aussi, soutenir qu'on peut se dispenser de la règle parce que le patient est anesthésié est simplement sidérant d'arriération mentale.
Le Code de la santé publique, avec l’alinéa 7 de l’article L. 1111-4 impose aux étudiants de recueillir le consentement : « L'examen d'une personne malade dans le cadre d'un enseignement clinique requiert son consentement préalable. Les étudiants qui reçoivent cet enseignement doivent être au préalable informés de la nécessité de respecter les droits des malades énoncés au présent titre ». Alors, respectez la loi, et point barre.
La jurisprudence confirme. La CEDH, le 9 octobre 2014, a jugé en ce sens à propos de la présence d’étudiants lors d’un accouchement, et le Conseil d’Etat, le 10 septembre 2014, confirmant la section disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins, a sanctionné un médecin qui avait imposé la présence d’un technicien de laboratoire lors d’un examen intime. Et il ne faut pas dire que c'est compliqué : il n'y a aucun document à remplir, il suffit de se présenter au patient, et de demander l'accord pour l'examen.
Mais il y a plus, car l'acte pratiqué n'est pas n'importe lequel. Il s'agit d'une pénétration digitale dans le vagin ou dans l'anus, et pratiqué à l'insu du patient, profitant de son absence de conscience liée à l'anesthésie. C'est un fait qui correspond la qualification de viol, selon les termes de l’article 222-23 du Code pénal : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol ». Acte de pénétration par surprise, sur une personne sans conscience.
- Quoi, mais du calme… Les médecins ne sont pas des violeurs...
- Bien sûr, mais ce n'est pas un problème. Le problème, c'est le geste qui correspond à une qualification pénale, et l'une des plus graves.
Marisol Touraine a donc raison d’être très ferme : «L’Etat sera d’une extrême fermeté face à ces pratiques inacceptables, qui portent atteinte à l’intégrité du corps humain et aux droits fondamentaux des patients». Il faut mettre fin à ces pratiques, avec des instructions strictes, des missions d’inspection au sein des établissements de santé, et le développement de l’apprentissage par simulation.